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Georges Brassens

Volume 1


Chanson Pour L'Auvergnat

Elle est à toi, cette chanson,
Toi, l'Auvergnat qui, sans façon,
M'as donné quatre bouts de bois
Quand, dans ma vie, il faisait froid,
Toi qui m'as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants,
Tout les gens bien intentionnés,
M'avaient fermé la porte au nez...
Ce n'était rien qu'un feu de bois,
Mais il m'avait chauffé le corps,
Et dans mon âme il brûle encor'
À la manièr' d'un feu de joi'.

Toi, l'Auvergnat, quand tu mourras,
Quand le croqu'-mort t'emportera,
Qu'il te conduise, à travers ciel,
Au Père éternel.

Elle est à toi, cette chanson,
Toi, l'Hôtesse qui, sans façon,
M'as donné quatre bouts de pain
Quand, dans ma vie, il faisait faim,
Toi qui m'ouvrit ta huche quand
Les croquantes et les croquants,
Tout les gens bien intentionnés,
S'amusaient à me voir jeûner...
Ce n'était rien qu'un peu de pain,
Mais il m'avait chauffé le corps,
Et dans mon âme il brûle encor'
À la manièr' d'un grand festin.

Toi, l'Hôtesse, quand tu mourras,
Quand le croqu'-mort t'emportera,
Qu'il te conduise, à travers ciel,
Au Père éternel.

Elle est à toi, cette chanson,
Toi, l'Étranger, qui sans façon,
D'un air malheureux m'a sourit
Lorsque les gendarmes m'ont pris,
Toi qui n'a pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants,
Tout les gens bien intentionés,
Riaient de me voir amené...
Ce n'était rien qu'un peu de miel.
Mais il m'avait chauffé le corps,
Et dans mon âme il brûle encor'
À la manièr' d'un grand soleil.

Toi, l'Étranger, quand tu mourras,
Quand le croqu'-mort t'emportera,
Qu'il te conduise, à travers ciel,
Au Père éternel.


Les Trompettes De La Renommée

Je vivais à l'écart de la place publique,
Serein contemplatif, ténébreux bucolique,
Refusant d'acquitter la rançon de la gloire,
Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
Les gens de bon conseil ont su me faire comprendre
Qu'à l'homme de la rue j'avais des comptes à rendre
Et que, sous peine de choir dans un oubli complet,
J'devais mettre au grand jour tout mes petits secrets.

Trompettes de la renommée,
Vous êtes bien mal embouchées!

Manquant à la pudeur la plus élémentaire,
Dois-je, pour les besoins d'la cause publicitaire,
Divulguer avec qui, et dans quelle position
Je plonge dans le stupre et la fornication?
Si je publie des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffées salopes,
Combien de bons amis me r'gard'ront de travers,
Combien je recevrais de coup de revolver!

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées

À toute exhibition, ma nature est rétive.
Souffrant d'une modestie quasiment maladive,
Je ne fais voir mes organes procréateurs
À personne, excepté mes femmes et mes docteurs.
Dois-je, pour défrayer la chronique des scandales,
Battre le tambour avec mes parties génitales;
Dois-je les arborer plus ostensiblement,
Comme un enfant de chœur porte un Saint-Sacrement?

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées

Une femme du monde, et qui souvent me laisse
Faire mes quat' voluptés dans ses quartiers d'noblesse,
M'as sournoisement passé, sur son divan de soie,
Des parasites du plus bas étages qui soit...
Sous prétextes de bruit, sous couleur de réclame,
Ai-je le droit de ternir l'honneur de cette dame
En criant sur les toits, et sur l'air de lampions:
«Madame la Marquise m'a foutu les morpions!»?

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées

Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente
Avec le Père Duval, la calotte chantante;
Lui, le catéchumène, et moi, l'énergumène,
Il me laisse dire merde, je lui laisse dire amen...
En accords avec lui, dois-je écrire dans la presse
Qu'un soir je l'ai surpris aux genoux d'ma maîtresse,
Chantant la mélopée d'une voix qui susurre,
Tandis qu'elle lui cherchait des poux dans la tonsure?

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées

Avec qui, ventrebleu! faut-y dont que je couche
Pour faire parler un peu la déesse aux cent bouches?
Faut-y qu'une femme célèbre, une étoile, une star,
Vienne prendre entre mes bras la place de ma guitare?
Pour exciter le peuple et les folliculaires,
Qui est-ce qui veut me prêter sa croupe populaire,
Qui est-ce qui veut me laisser faire, in naturalibus,
Un p'tit peu d'alpinisme sur son mont de Vénus?

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées

Sonneraient-elles plus fort, ces divines trompettes,
Si comme tout un chacun, j'étais un peu tapette,
Si je me déhanchais comme une demoiselle
Et prenais tout à coup des allures de gazelles?
Mais je ne sache pas qu'ça profite à ces drôles
De jouer le jeu de l'amour en inversant les rôles,
Qu'ça confère à leur gloire une once de plus-value,
Le crime pédérastique, aujourd'hui, ne paie plus.

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées

Après c'tour d'horizon des mille et une recettes
Qui vous valent à coup sûr les honneurs des gazettes,
J'aime mieux m'en tenir à ma première façon
Et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
S'il n'en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d'acquitter la rançon de la gloire,
Sur mon brin de laurier je m'endors comme un loir.

Trompettes de la renommée
Vous êtes bien mal embouchées


La Non-Demande En Mariage

Ma mie, de grâce, ne mettons
Pas sous la gorge à Cupidon
Sa propre flèche,
Tant d'amoureux l'ont essayé
Qui, de leur bonheur, ont payé
Ce sacrilège...

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.

Laissons le champ libre à l'oiseau,
Nous serons tout les deux priso-
nnier sur parole.
Au diable, les maîtresses queux
Qui attachent les cœurs aux queues
Des casseroles!

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.

Vénus se fait vieille souvent,
Elle perd son latin devant
La lèchefrite.
À aucun prix moi je ne veux
Effeuiller dans le pot-au-feu
La marguerite.

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.

On leur ôte bien des attraits,
En dévoilant trop les secrets
De Mélusine.
L'encre du billet doux pâlit
Vite entre les feuillets des li-
vre de cuisine.

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.

Il peut sembler de tout repos
De mettre à l'ombre, au fond d'un pot
De confiture,
La jolie pomme défendue,
Mais elle est cuite, elle à perdu
Son goût "nature".

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.

De servantes n'ai pas besoin,
Et du ménage et de ses soins
Je te dispense...
Qu'en éternel fiancé,
À la dame de mes pensées
Toujours je pense...

J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin.


J'Ai Rendez-Vous Avec Vous

Monseigneur l'astre solaire,
Comm' je n'l'admir' pas beaucoup,
M'enlèv' son feu, oui mais, d'son feu, moi j'm'en fous,
J'ai rendez-vous avec vous!
La lumièr' que je préfère,
C'est celle' de vos yeux jaloux,
Tout le restant m'indiffère,
J'ai rendez-vous avec vous!

Monsieur mon propriétaire,
Comm' je lui dévaste tout ,
M'chass' de son toit, oui mais, d'son toit, moi j'm'en fous,
J'ai rendez-vous avec vous!
La demeur' que je préfère,
C'est votre robe à froufrous,
Tout le restant m'indiffère
J'ai rendez-vous avec vous!

Madame ma gargotière,
Comm' je lui dois trop de sous,
M'chasse' de sa table, oui mais, d'sa tabl', moi j'm'en fous,
J'ai rendez-vous avec vous!
Le menu que je préfère,
C'est la chair de votre cou,
Tout le restant m'indiffère,
J'ai rendez-vous avec vous!

Sa Majesté financière,
Comm' je n'fais rien à son goût,
Garde son or, or, de son or, moi j'm'en fous,
J'ai rendez-vous avec vous!
La fortun' que je préfère,
C'est votre cœur d'amadou,
Tout le restant m'indiffère,
J'ai rendez-vous avec vous!


Mourir Pour Des Idées

Mourir pour des idées, l'idée est excellente;
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue,
Car tous ceux qu'y l'avaient, multitude accablante,
En hurlant à la mort me sont tombés dessus.
Ils ont su me convaincre et ma muse insolente,
Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois:

Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente.

Jugeant qu'il n'y a pas, péril en la demeure,
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain.
Or, s'il est une chose amère, désolante
En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse route, qu'on c'est trompé d'idées.

Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente.

Les Saint-Jean bouche d'or, qui prêchent le martyre,
Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas.
Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire,
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas.
Dans presque tout les camps on en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité,
J'en conclu qu'ils doivent se dire, en aparté:

"Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente."

Des idées réclamant le fameux sacrifice,
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles,
Et la question se pose, aux victimes novices:
Mourir pour des idées, c'est bien beau, mais lequelles?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes,
Quand il les voit, avec leurs gros drapeaux,
Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau.

Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente.

Encore s'il suffisait de quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeâ!
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent,
Au paradis sur terre on y serait déjà.
Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez,
Et c'est la mort, la mort toujours recommencée...

Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente.

Ô vous les boutefeux, Ô vous les bons apôtres,
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas.
Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres!
La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas;
Car, enfin, la Camarde est assez vigilante,
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux.
Plus de danse macabre autour des échafauds!

Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente.


Les Amoureux Des Bancs Publics

Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu'on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents.
Mais c'est une absurdité,
Car, à la vérité,
Ils sont là, c'est notoir',
Pour accueillir quelque temps les amours débutant's.

Les amoureux qui s'bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s' foutant pas mal du r'gard oblique
Des passants honnêtes,
Les amoureux qui s' bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s'disant des «Je t'aim'» pathétiques,
Ont des p'tites gueul's bien sympathiques!

Ils se tiennent par la main,
Parlent du lendemain,
Du papier bleu d'azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher...
Ils se voient déjà douc'ment,
Ell' cousant, lui fumant,
Dans un bien-être sûr,
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé...

Les amoureux qui s'bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s' foutant pas mal du r'gard oblique
Des passants honnêtes,
Les amoureux qui s' bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s'disant des «Je t'aim'» pathétiques,
Ont des p'tites gueul's bien sympathiques! 

Quand la saint' famille Machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris,
Ell' leur décoch' hardiment des propos venimeux...
N'empêch' que tout' la famille
(Le pèr', la mèr', la fill', le fils, le Saint-Esprit...)
Voudrait bien, de temps en temps, pouvoir s'conduir' comme eux.

Les amoureux qui s'bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s' foutant pas mal du r'gard oblique
Des passants honnêtes,
Les amoureux qui s' bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s'disant des «Je t'aim'» pathétiques,
Ont des p'tites gueul's bien sympathiques! 

Quand les mois auront passé,
Quand seront apaisés
Leurs beaux rêves flambants,
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds,
Ils s'apercevront, émus,
Qu'c'est au hasard des ru's,
Sur un d'ces fameux bancs,
Qu'ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour...

Les amoureux qui s'bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s' foutant pas mal du r'gard oblique
Des passants honnêtes,
Les amoureux qui s' bécot'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s'disant des «Je t'aim'» pathétiques,
Ont des p'tites gueul's bien sympathiques!


La Femme D'Hector

En notre tour de Babel
Laquelle est la plus bell',
La plus aimable parmi
Les femm's de nos amis?
Laquelle est notre vrai' nounou,
La p'tit' sœur des pauvres de nous?
Dans le guignon toujours présente.
Quelle est cette fé' bienfaisante?

C'est pas la femm' de Bertrand,
Pas la femm' de Gontrand,
Pas la femm' de Pamphile;
C'est pas la femm' de Firmin,
Pas la femm' de Germain,
Ni cell' de Benjamin;
C'est pas la femm' d'Honoré,
Ni cell' de Désiré,
Ni cell' de Théophile;
Encore moins la femm' de Nestor,
Non, c'est la femm' d'Hector!

Comme nous dansons devant
Le buffet bien souvent,
On a toujours peu ou prou
Les bras criblés de trous...
Qui raccommode ces malheurs
De fils de toutes les couleurs,
Qui brode, divine cousette,
Des arcs-en ciel à nos chaussettes?

C'est pas la femm' de Bertrand,
Pas la femm' de Gontrand,
Pas la femm' de Pamphile;
C'est pas la femm' de Firmin,
Pas la femm' de Germain,
Ni cell' de Benjamin;
C'est pas la femm' d'Honoré,
Ni cell' de Désiré,
Ni cell' de Théophile;
Encore moins la femm' de Nestor,
Non, c'est la femm' d'Hector!

Quand on nous prend la main sac-
ré Bon Dieu, dans un sac,
Et qu'on nous envoi' planter
Des choux à la Santé,
Quelle est cell' qui, prenant modèl'
Sur les vertus des chiens fidèl's,
Reste à l'arrêt devant la porte
En attendant qu'on en ressorte?

C'est pas la femm' de Bertrand,
Pas la femm' de Gontrand,
Pas la femm' de Pamphile;
C'est pas la femm' de Firmin,
Pas la femm' de Germain,
Ni cell' de Benjamin;
C'est pas la femm' d'Honoré,
Ni cell' de Désiré,
Ni cell' de Théophile;
Encore moins la femm' de Nestor,
Non, c'est la femm' d'Hector!

Et quand l'un d'entre nous meurt,
Qu'on nous met en demeur'
De débarrasser l'hôtel
De ses restes mortels,
Quelle est cell' qui r'mu' tout Paris
Pour qu'on lui fasse, au plus bas prix,
Des funérailles gigantestes,
Pas nationales, non, mais presque?

C'est pas la femm' de Bertrand,
Pas la femm' de Gontrand,
Pas la femm' de Pamphile;
C'est pas la femm' de Firmin,
Pas la femm' de Germain,
Ni cell' de Benjamin;
C'est pas la femm' d'Honoré,
Ni cell' de Désiré,
Ni cell' de Théophile;
Encore moins la femm' de Nestor,
Non, c'est la femm' d'Hector!

Et quand vient le mois de mai,
Le joli temps d'aimer,
Que, sans écho, dans les cours,
Nous hurlons à l'amour,
Quelle est cell' qui nous plaint beaucoup,
Quelle est cell' qui nous saute au cou,
Qui nous dispense sa tendresse,
Tout's ses économi's d'caresse?

C'est pas la femm' de Bertrand,
Pas la femm' de Gontrand,
Pas la femm' de Pamphile;
C'est pas la femm' de Firmin,
Pas la femm' de Germain,
Ni cell' de Benjamin;
C'est pas la femm' d'Honoré,
Ni cell' de Désiré,
Ni cell' de Théophile;
Encore moins la femm' de Nestor,
Non, c'est la femm' d'Hector!

Ne jetons pas les morceaux
De nos cœur aux pourceaux,
Perdons pas notre latin
Au profit des pantins,
Chantons pas la langue des dieux
Pour les balourds, les fess'-mathieux,
Les paltoquets, ni les bobèches,
Les foutriquets, ni les pimbêches;

Ni pour la femm' de Bertrand,
Pour la femm' de Gontrand,
Pour la femm' de Pamphile;
Ni pour la femm' de Firmin,
Pour la femm' de Germain,
Pour cell, de Benjamin;
Ni pour la femm' d'Honoré,
La femm' de Désiré,
La femm' de Théophile;
Encore moins pour la femm' de Nestor,
Mais pour la femm' d'Hector.


Auprès De Mon Arbre

J'ai plaqué mon chêne
Comme un saligaud,
Mon copain le chêne,
Mon alter ego.
On était du même bois,
Un peu rustique, un peu brute,
Dont on fait n'importe quoi,
Sauf naturellement les flûtes.
J'ai maintenant des frênes,
Des arbres de Judée,
Tous de bonnes graines
De haute futaie,
Mais toi tu manques à l'appel
Ma vieille branche de campagne,
Mon seul arbre de noël,
Mon mât de cocagne.

Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre.
Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû le quitter des yeux.

Je suis un pauv' type
J'aurais plus de joie.
J'ai jeté ma pipe,
Ma vieille pipe en bois,
Qu'y avait fumé sans s'fâcher,
Sans jamais m'brûler la lippe.
L'tabac d'la vache enragée
Dans sa bonne vielle tête de pipe.
J'ai les pipes d'écume
Ornées de fleurons,
De ces pipes qu'on fume
En levant le front.
Mais j'retrouverai plus, ma foi,
Dans mon cœur ni sur ma lippe,
Le goût d'ma vieille pipe en bois,
Sacré nom d'une pipe.

Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre.
Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû le quitter des yeux.

Le surnom d'infâme
Me va comme un gant;
D'avec ma femme
J'ai foutu le camp,
Parce que depuis tant d'année
C'était pas une sinécure
De lui voir tout le temps le nez
Au milieu de la figure.
Je bats la campagne
Pour dénicher la
Nouvelle compagne.
Valant celle-là
Qui, bien sur, laissait beaucoup
Trop de pierres dans les lentilles,
Mais se pendait à mon coup
Quand j'perdais mes billes.

Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre.
Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû le quitter des yeux.

J'avais une mansarde
Pour tout logement,
Avec des lézardes
Sur le firmament.
Je l'savais par cœur depuis
Et, pour un baiser la course,
J'emmenais mes belles de nuits
Faire un tour sur la Grande Ourse.
J'habite plus d'mansarde,
Il peut désormais
Tomber des hallebardes
Je m'en bats l'oeil mais,
Mais si quelqu'un monte au cieux
Moins que moi j'y paie des prunes.
Y'a cent sept ans, qui dit mieux,
Qu'j'ai pas vu la lune

Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre.
Auprès de mon arbre je vivais heureux,
J'aurais jamais dû le quitter des yeux.


Supplique Pour Être Enterré À La Plage De Sète

La camarde, qui ne m'a jamais pardonné
D'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez,
Me poursuit d'un zèle imbécile.
Alors, cerné de près par les enterrements,
J'ai cru bon de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille.

Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et, de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point: la rupture.

Quand mon âme aura pris son vol à l'horizon
Vers celles de Gavroche et de Mimi Pinson,
Celles des titis, des grisettes,
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du «Paris-Méditerranée»,
Terminus en gare de Sète.

Mon caveau de famille, hélas! n'est pas tout neuf;
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf.
Et, d'ici que quelqu'un n'en sorte,
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens «Poussez-vous donc un peu!»
Place aux jeunes en quelque sorte.

Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche,
Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins,
Le long de cette grève où le sable est si fin,
Sur la plage de la Corniche.

C'est une plage où, même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux,
Où, quand un bateau fait naufrage,
Le capitaine crie: «Je suis le maître à bord!
Sauve qui peut le vin et le pastis d'abord!
Chacun sa bonbonne et courage!»

Et c'est là que, jadis, à quinze ans révolus,
À l'âge où s'amuser tout seul ne suffit plus,
Je connus la prime amourette.
Auprès d'une sirène, une femme-poisson,
Je reçus de l'amour la première leçon,
Avalai la première arête.

Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien,
Et n'en déplaise aux autochtones.

Cette tombe en sandwich, entre le ciel et l'eau,
Ne donnera pas une ombre triste au tableau,
Mais un charme indéfinissable.
Les baigneuses s'en serviront de paravent
Pour changer de tenue, et les petits enfants
Diront: «Chouette! un château de sable!»

Est-ce trop demander ... ! Sur mon petit lopin,
Plantez, je vous prie, une espèce de pin,
Pin parasol, de préférence,
Qui saura prémunir contre l'insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D'affectueuses révérences.

Tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie,
Tout chargés de parfums, de musiques jolies,
Le mistral et la tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos,
De villanelle un jour, un jour de fandango,
De tarentelle, de sardane...

Et quand, prenant ma butte en guise d'oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume.

Pauvres rois, pharaons! Pauvre Napoléon!
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon!
Pauvres cendres de conséquence!
Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances...

Vous envierez un peu l'éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances.


La Mauvaise Réputation

Au village, sans prétention,
J'ai mauvaise réputation;
Qu'je m'démène ou qu'je reste coi
Je pass pour un je-ne-sais-quoi.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En suivant mon ch'min de petit bonhomme;
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Non les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Tout le monde médit de moi,
Sauf les muets, ça va de soi.

Le jour du quatorze-Juillet,
Je reste dans mon lit douillet;
La musique qui marche au pas,
Cela ne me regarde pas.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En n'écoutant pas le clairon qui sonne;
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Non les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Tout le monde me montre au doigt,
Sauf les manchots, ça va de soi.

Quand j'croise un voleur malchanceux
Poursuivit par un cul-terreux,
J'lanc' la patte et, pourquoi le taire,
Le cul-terreux se r'trouv' par terre.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En laissant courir les voleurs de pomme;
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Non les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Tout le monde se rue sur moi
Sauf les culs-d'-jatt', ça va de soi.

Pas besoin d'être Jérémie
Pour d'viner l'sort qui m'est promis:
S'ils trouv'nt une corde à leur goût,
Ils me la passeront au cou.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En suivant les ch'mins qui n'mèn'nt pas à Rome;
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Non les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux...
Tout le mond' viendra me voir pendu,
Sauf les aveugl's, bien entendu.


La Chasse Aux Papillons

Un bon petit diable à la fleur de l'âge,
La jambe légère et l'oeil polisson,
Et la bouche pleine de joyeux ramages,
Allait à la chasse aux papillons.

Comme il atteignait l'orée du village,
Filant sa quenouille, il vit Cendrillon.
Il lui dit: «Bonjour, que Dieu te ménage,
J't'amène à la chasse aux papillons.»

Cendrillon ravit de quitter sa cage,
Mais sa robe neuve et ses bottillons,
Et bras-d'ssus bras-d'ssous vers les frais bocages,
Ils vont à la chasse aux papillons.

Ils ne savaient pas que sous les ombrages
Se cachait l'amour et son aiguillon
Et qu'il transperçait les cœurs de leur âge,
Les cœurs des chasseurs de papillons.

Quand il se fit tendre, elle lui dit: «J'présage
Qu'c'est pas dans les plis de mon cotillon
Ni dans les chancrures de mon corsage
Qu'on va à la chasse aux papillons.»

Sur sa bouche en feu, qui criait soi sage,
Il posa sa bouche en guise de baillons
Et s'fut l'plus charmant des remue-ménage
Qu'on ai vu d'mémoire de papillons.

Un volcan dans l'âme, il revinrent au village
En se promettant d'aller des millions,
Des milliards de fois, et même d'avantage,
Ensemble à la chasse aux papillons.

Mais tant qu'ils s'aimeront, tant que les nuages
Porteurs de chagrin les épargneront,
Il f'ra bon voler dans les frais bocages,
Y f'ront pas la chasse aux papillons,
Pas la chasse aux papillons.


Les Copains D'Abord

Non ce n'était pas le radeau
De la méduse, ce bateau,
Qu'on se le dise au fond des ports,
Dise au fond des ports.
Il navigait en père peinard
Sur la grand'mare des canards
Et s'appelait "Les Copains D'Abord",
"Les Copains D'Abord".

Ses fluctuat nec mergitur,
C'était pas d'la litterature,
N'en déplaise aux jeteurs de sort,
Aux jeteurs de sort.
Son capitaine et ses matrlots
N'étaient pas des enfants d'salauds,
Mais des amis franco de port,
Des copains d'abord.

C'étaient pas des amis de luxe,
Des petits Castor et Pollux,
Des gens de Sodome et Gomorrhe,
Sodome et Gomorrhe,
C'étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boetie,
Sur le ventre ils se tapaient fort,
Les copains d'abord.

C'étaient pas des anges non plus,
L'Évangile ils l'avaient pas lu,
Mais ils s'aimaient toutes voiles dehors,
Toutes voiles dehors.
Jean, Pierre, Paul et compagnie,
C'était leur seule litanie,
Leur Credo, leur Confitéor,
Aux copains d'abord.

Au moindre coup de Trafalgar,
C'est l'amitié qui prenait l'quart,
C'est elle qui leur montrait le nord,
Leur montrait le nord.
Et quand ils étaient en détresse,
Qu'leur bras lancaient des S.O.S.,
On aurait dit les sémaphores,
Les copains d'abord.

Au rendez-vous des bons copains,
Y'avait pas souvent de lapins,
Quand l'un d'entre eux manquait à bord,
C'est qu'il était mort.
Oui, mais jamais, au grand jamais,
Son trou dans l'eau n'se refermait,
Cent ans après, coquin de sort!
Il manquait encore.

Des bateaux j'en ai pris beaucoup,
Mais le seul qui'ait tenu le coup,
Qui n'ai jamais viré de bord,
Mais viré de bord,
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s'app'lait "Les Copains D'Abord"
"Les Copains D'Abord".

Des bateaux j'en ai pris beaucoup,
Mais le seul qui'ait tenu le coup,
Qui n'ai jamais viré de bord,
Mais viré de bord,
Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s'app'lait "Les Copains D'Abord"
"Les Copains D'Abord".


Le Pornographe

Autrefois quand j'étais marmot
J'avais la phobie des gros mots
Et si j'pensais merde tout bas
Je ne le disais pas,
Mais aujourd'hui que mon gagne-pain
C'est d'parler comme un turlupin
Je ne pense plus merde pardi,
Mais je le dis.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

Afin d'amuser la galerie
Je crache des gauloiserie,
Des pleines bouche de mots crus,
Tout à fait incongru,
Mais en m'retrouvant seule sous mon toit
Dans ma psyché j'me montre au doigt,
Et m'cris va t'faire main correct
Voir parler grec.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

Tous les samedis j'vais à confesse
M'accuser d'avoir parler d'fesses
Et j'promets d'faire mon marabout
De les mettre tabou,
Mais craignant, si je n'en parle plus,
D'finir à l'Armée du Salut,
Je r'mets bientôt sur le tapis
Les fesses impies.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

Ma femme est soit dit en passant
D'un naturel concupiscent,
Qui l'incite à se coucher nu
Sous le premier venu,
Mais met-il permis, soyons sincère,
Dans parler au Café Concert
Sans dire qu'elle a suraigu
Le feu au cul.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

J'aurais sans doute du bonheur
Et peut-être la Croix d'Honneur
À chanter avec décorum
L'amour qui mène à Rome,
Mais mon ange m'a dit turlututu
Chanter l'amour t'est défendu
S'il n'éclôt pas sur le destin
D'une putain.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

Et quand j'entonne guilleret,
Un patron de cabaret,
Une adorable bucolique,
Il est mélancolique,
Et me dit, la voix noyée de pleurs,
S'il-vous-plaît de chanter des fleurs
Qu'elles poussent moins Rue Blondelle
Dans un bordel.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

Chaque soir avant le dîner,
À mon balcon m'étend le nez,
Je contemple les bonnes gens
Dans le soleil couchant,
Mais me d'mander pas chanter si
Vous redouter d'entendre ici,
Que j'aime à voir de mon balcon
Passer les cons.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.

Les bonnes âmes d'ici-bas
Comptent ferme qu'à mon trépas,
Satan va venir embrocher
Ce mort mal-embouché,
Mais, mais veuille le Grand Manitou,
Pour qui le mot n'est rien-du-tout,
Admettre en sa Jérusalem
À l'heure blême.

J'suis l'pornographe
Du phonographe,
Le polisson
De la chanson.


Fernande

Une mani' de vieux garçon,
Moi, j'ai pris l'habitude
D'agrémenter ma solitude
Au accents de cette chanson:

Quand je pense à Fernande,
Je bande, je bande,
Quand j'pense à Félici',
Je bande aussi,
Quand j'pense à Léonore,
Mon Dieu, je bande encore,
Mais quand j'pense à Lulu
Là je ne bande plus.
La bandaison, papa,
Ça n'se commande pas.

C'est cette mâle ritournelle,
Cette antienne virile,
Qui retentit dans la guérite
De la vaillante sentinelle:

Quand je pense à Fernande,
Je bande, je bande,
Quand j'pense à Félici',
Je bande aussi,
Quand j'pense à Léonore,
Mon Dieu, je bande encore,
Mais quand j'pense à Lulu
Là je ne bande plus.
La bandaison, papa,
Ça n'se commande pas.

Afin de tromper son cafard,
De voir la vi' moins terne,
Tout en veillant sur sa lanterne
Chante ainsi le gardien de phare:

Quand je pense à Fernande,
Je bande, je bande,
Quand j'pense à Félici',
Je bande aussi,
Quand j'pense à Léonore,
Mon Dieu, je bande encore,
Mais quand j'pense à Lulu
Là je ne bande plus.
La bandaison, papa,
Ça n'se commande pas.

Après la prière du soir,
Comme il est un peu triste,
Chante ainsi le séminariste
À genoux sur son reposoir:

Quand je pense à Fernande,
Je bande, je bande,
Quand j'pense à Félici',
Je bande aussi,
Quand j'pense à Léonore,
Mon Dieu, je bande encore,
Mais quand j'pense à Lulu
Là je ne bande plus.
La bandaison, papa,
Ça n'se commande pas.

À l'Étoile, où j'étais venu
Pour réanimer la flamme,
J'entendit, ému jusqu'aux larmes,
La voix du Soldat inconnu:

Quand je pense à Fernande,
Je bande, je bande,
Quand j'pense à Félici',
Je bande aussi,
Quand j'pense à Léonore,
Mon Dieu, je bande encore,
Mais quand j'pense à Lulu
Là je ne bande plus.
La bandaison, papa,
Ça n'se commande pas.

Et je vais mettre un point final
À ce chant salutaire,
En suggérant aux solitaires
D'en faire un hymne national:

Quand je pense à Fernande,
Je bande, je bande,
Quand j'pense à Félici',
Je bande aussi,
Quand j'pense à Léonore,
Mon Dieu, je bande encore,
Mais quand j'pense à Lulu
Là je ne bande plus.
La bandaison, papa,
Ça n'se commande pas.


Je Me Suis Fait Tout Petit

Je n'avais jamais ôter mon chapeau devant personne,
Maintenant je rampe et je fais le beau quand elle me sonne.
J'étais chien méchant, elle me fait manger dans sa menotte;
J'avais des dents d'loup, je les ai changer pour des quenottes.

Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche,
Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui fait maman quand on la touche.

J'étais dure-à-cuire, elle m'a converti la fine mouche,
Et je suis tombé tout chaud tout rôtit contre sa bouche,
Qui a des dents d'lait quand elle sourit, quand elle chante,
Et qui a des dents d'loup quand elle est furie, belle et méchante.

Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche,
Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui fait maman quand on la touche.

Je subis sa loi, je fis le tout doux, sous son empire,
Bien qu'elle soit jalouse au-delà de tout et même pire;
Une jolie pervenche qui m'avait paru plus jolie qu'elle,
Une jolie pervenche un jour en mourut, à coup d'ombrelle.

Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche,
Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui fait maman quand on la touche.

Tous les somnambules, tous les mages m'ont dit sans malice:
«Qu'en ses bras en croix je subirais mon dernier supplice.»
Il en est de pires, il en est de meilleurs, mais à tout prendre,
Qu'on se pende ici, qu'on se pende ailleurs, il faut se pendre.

Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui ferme les yeux quand on la couche,
Je m'suis fait tout p'tit devant une poupée
Qui fait maman quand on la touche.


Misogynie À Part

Misogynie à part, le sage avait raison:
Il y a les emmerdantes, on en trouve à foison,
En foule elles se pressent.
Il y a les emmerdeuses, un peu plus raffinées,
Et puis, très nettement au-dessus du panier,
Y'a les emmerderesses.

La mienne, à elle seule, sur toutes surenchérit,
Elle relève à la fois des trois catégories,
Véritable prodige,
Emmerdante, emmerdeuse, emmerderesse itou,
Elle passe, elle dépasse, elle surpasse tout,
Elle m'emmerde, vous dis-je.

Mon Dieu, pardonnez-moi ces propos bien amers,
Elle m'emmerde, elle m'emmerde, elle m'emmerde, elle m'emmer-
de, elle abuse, elle attige.
Elle m'emmerde et j' regrette mes belles amours avec
La p'tite enfant d' Mari que m'a soufflée l'évêque,
Elle m'emmerde, vous dis-je.

Elle m'emmerde, elle m'emmerde, et m'oblige à me cu-
rer les ongles avant de confirmer son cul,
Or, c'est pas callipyge.
Et la charité seule pousse sa main résignée
Vers ce cul rabat-joie, conique, renfrogné,
Elle m'emmerde, vous dis-je.

Elle m'emmerde, elle m'emmerde, je le répète et quand
Elle me tape sur le ventre, elle garde ses gants,
Et ça me désoblige.
Outre que ça dénote un grand manque de tact,
Ca ne favorise pas tellement le contact,
Elle m'emmerde, vous dis-je.

Elle m'emmerde, elle m'emmerde , quand je tombe à genoux
Pour certaines dévotions qui sont bien de chez nous
Et qui donnent le vertige,
Croyant l'heure venue de chanter le credo,
Elle m'ouvre tout grand son missel sur le dos,
Elle m'emmerde, vous dis-je.

Elle m'emmerde, elle m'emmerde, à la fornication
Elle s'emmerde, elle s'emmerde avec ostentation,
Elle s'emmerde, vous dis-je.
Au lieu de s'écrier : "Encor ! Hardi ! Hardi !"
Elle déclame du Claudel, du Claudel, j'ai bien dit,
Alors ça, ça me fige.

Elle m'emmerde, elle m'emmerde, j'admets que ce Claudel
Soit un homme de génie, un poète immortel,
Je r'connais son prestige,
Mais qu'on aille chercher dedans son oeuvre pie,
Un aphrodisiaque, non, ça, c'est d'l'utopie !
Elle m'emmerde, vous dis-je.


Georges Brassens.

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